Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
VOYAGE DE MORDRAIN.

à une dernière séduction de la belle femme ; mais il avait déjà tant souffert ! Il se voyait transporté sur une roche aride et hideuse, dont une partie venait de se fendre et tomber avec fracas dans la mer ; à la grêle la plus dure, à la gelée la plus rude, succédait une température embrasée ; pas un abri contre les vents, la gelée, la grêle, les ardeurs plus insupportables encore d’un soleil de plomb ; devant lui, une nef aux brillantes couleurs qui lui promettait un doux abri, la plus somptueuse abondance de toutes choses, l’amour de la plus belle femme du monde. Il avait été inaccessible à tant de séductions. Les orages avaient cessé, la grande ardeur du jour était tombée, l’air était redevenu pur et serein, quand il vit approcher une grande nef au châtelet de laquelle étaient suspendus deux écus ; c’étaient, il n’en douta pas, le sien et celui de Nascien, son serourge. Il entendit les hennissements de son cheval qu’il n’eut pas de peine à reconnaître, à la façon dont il piaffait et grattait des pieds. La nef ayant touché la roche, Mordrain s’en approcha et la vit remplie d’hommes noblement vêtus ; le premier chevalier qu’il aperçut était le frère de son sénéchal tué dans la dernière bataille d’Orcan. Le chevalier salua le roi : « Sire, » lui dit-il en pleurant, « j’apporte de tristes nouvelles : vous avez perdu le meilleur de vos