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LE ROI ARTUS.

offrent rien d’analogue chez les anciens ; et, dans les véritables chansons de geste, on ne le rencontre pas encore. La raison est ici facile à saisir : les gestes étaient destinées à être chantées ou déclamées à haute voix, non pas à être lues dans le silence du cabinet ; les auditeurs des gestes n’auraient pu s’accommoder de ces récits brusquement interrompus, précisément au point où leur attention se trouvait le plus intéressée. Il n’en était pas de même des livres formés à l’aide des anciens lais et faits pour être lus : le romancier y pouvait à son gré commencer, laisser et reprendre plusieurs récits, de manière à les amener plus tard vers un centre commun. Or, quand nous n’aurions pas d’autres motifs de reconnaître deux auteurs dans le livre de Merlin, il nous suffirait de remarquer que ces heureuses transitions, ces interruptions calculées ne se rencontrent ni dans la rédaction en prose du poëme de Joseph d’Arimathie, ni dans la première partie du Merlin. Elles ne sont introduites que dans le Saint-Graal et dans l’Artus, qui continue le Merlin. C’est donc au romancier, auteur de ces deux ouvrages, qu’il faut attribuer l’introduction de ce nouveau procédé, effet d’un art véritable dont l’histoire littéraire doit bien tenir compte.

Les interruptions étaient presque toujours