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LE CHAT DE LAUSANNE.

démon, épouvante de la contrée ; il tue et dévore tous ceux qui l’approchent ; la campagne en est devenue déserte. — Comment, » dit Artus, « personne ne l’a-t-il attaqué ? — Ce n’est pourtant qu’un chat, » dit Merlin, « mais un chat vomi par l’enfer, si grand, si horrible que sa vue seule est capable de donner la mort. — Dieu nous garde ! » dit le Roi ; « comment une pareille bête a-t-elle pu venir en ce lieu ? — Je vais vous le dire.

« Il y a quatre ans, au temps de l’Ascension, un pauvre pêcheur s’arrêta devant le lac voisin de Lausanne : quand il eut préparé ses engins, il promit à Notre-Seigneur, en jetant ses rets, de lui donner le premier poisson qu’il prendrait. Il jeta, tira du lac un grand brochet qui valait bien vingt sous. — Oh ! » se dit-il, « le Seigneur Dieu ne tient pas au premier poisson. Je lui donnerai le second. — Il rejeta ses filets, tira un second poisson, plus grand et bien plus rare. — Dieu, » dit-il, « s’est passé du premier ; il peut attendre le troisième. — Notre homme renouvelle ses appâts, rejette ses filets, et cette fois il tire un petit chaton plus noir que mûre. — Ce n’est pas encore là, » dit-il, « un don pour le Seigneur Dieu, gardons-le ; il mangera les rats et souris de mon logis. — Et sans plus songer à son