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LE ROI ARTUS.

en demeurer éloigné plus d’une année. Cependant je ne suis plus Gauvain, mais un être tout à fait misérable et digne de pitié ; suis-je donc tenu de remplir les engagements de Gauvain ? Hélas ! oui, pour mon malheur ; je puis aller et venir, je ne suis pas retenu prisonnier ; je serais donc parjure si je ne revenais au terme fixé : or je n’entends pas avoir l’âme perdue aussi bien que le corps. » En se parlant ainsi, il entra dans la forêt de Broceliande qui le séparait du havre d’où il devait se rendre en Grande-Bretagne. Tout en chevauchant le Gringalet, il entend à main droite une voix. Il tourne la tête et ne voit rien qu’une légère vapeur qui, toute légère qu’elle fût, empêchait son cheval d’avancer. Il prête l’oreille, et distingue ces mots « Messire Gauvain, messire Gauvain, ne vous découragez pas ; tout ce qui doit advenir adviendra. — Oh ! qui me parle ainsi ? » dit Gauvain. — « Comment ! » fait la voix, « ne me reconnaissez-vous ? Vous saviez mieux autrefois qui j’étais. Ainsi va des choses ce monde, et le proverbe est véritable : Éloignez-vous de la cour, elle vous oubliera. Je fus votre ami tant que je pus rendre service au Roi et à ses barons, aujourd’hui le Roi et ses barons ne pensent plus à moi. Honnis ceux qui m’ont si tôt oublié ! »