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maladie de sagremor.

« Ah ! dit tout à coup Sagremor, je me sens mourir. Donnez-moi à manger ou faites approcher un prêtre. — Il ne sera pas facile à trouver, dit mess. Gauvain, ni d’apaiser votre faim. — Ne soyez pas inquiet, reprit la demoiselle, nous ne tarderons guère à arriver. » Mais Sagremor se maintenait à cheval à grand’peine ; il chancelait et risquait de tomber d’un moment à l’autre. Mess. Gauvain descendit alors, confia la bride de son cheval à la demoiselle, et se mettant en croupe derrière

    Branduagne li roi des Saisnes et Magrant le roi d’Irlande. Et par la maladie qui si sovent li avenoit, li mist à non Keus li senechaus Sagremor le mort-jeun. »

    Dans l’Artus (ms. 337, fo 146), comme Sagremor venait de tuer les rois Quinquenart et Brandaigne, une douleur aiguë le saisit ; il en serait mort si Gauvain ne se fût hâté de lui apporter à manger. On parla beaucoup de ses prouesses et de son infirmité ; et la reine remarqua qu’on ne lui pouvait rien reprocher, sinon d’être trop desréé, surnom qui ne lui déplaisait pas. Keu ajouta en raillant qu’on aurait aussi bien raison de l’appeler Mort-géun (mort de jeûne), et ce mot devint l’occasion d’une grande querelle. Gauvain ayant en vain essayé de faire taire Keu, Gaheriet avait donné une buffe au mauvais railleur, et le roi Artus avait demandé une réparation pour son sénéchal. Mess. Gauvain voulut alors quitter la cour et renoncer à servir un roi qui laissait insulter les preux par un mauvais bouffon. Il fallut pour l’apaiser que le roi Artus et la reine Genièvre vinssent s’agenouiller devant lui, et que le sénéchal fît amende honorable.