Page:Parnasse de la Jeune Belgique, 1887.djvu/117

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La multitude abjecte est par moi détestée,
Pas un cri de ce temps ne franchira mon seuil ;
Et, pour m’ensevelir loin de la foule athée,
Je saurai me construire un monument d’orgueil.

Je travaillerai seul, en un silence austère,
Nourrissant mon esprit des vieilles vérités,
Et je m’endormirai, bouche pleine de terre,
Dans la pourpre des jours que j’ai ressuscités.

Et maintenant criez ! Faites vos choses viles !
D’autres hommes viendront : Ceci sera changé.
Vous aurez contre vous jusqu’au pavé des villes !
D’autres hommes viendront, et l’Art sera vengé !

Votre cité stupide aura ses funérailles :
Vous entendrez la voix lugubre des tocsins,
Les bombes éclater par dessus vos murailles,
Et votre dernier soir pleurer dans les buccins !

Vous entendrez encor la fanfare des sacres
S’envoler au devant d’un prince tout puissant ;
Vous reverrez encor le soleil des massacres
Rougir ses lèvres d’or dans les mares de sang !