Page:Pascal - Oeuvres complètes, II.djvu/77

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
SUR LES COMMANDEMENS DE DIEU.

ne trouve pas la volonté de l’homme bonne, mais elle la rend bonne ; et afin qu’elle soit élue, elle-même élit la première ; et elle n’est reçue ou aimée, si elle-même n’opère ces effets dans le cœur de l’homme : donc, et la réception, et le désir de la grâce, est l’ouvrage de la grâce même. » (Fulg, lib. I, De veritate prædest., cap. XV et XVI) Et ensuite : « Donc elle-même se fait connoître, aimer et désirer davantage. » Donc, ou le pouvoir qu’ont toujours les justes de désirer la grâce, n’est qu’un pouvoir suffisant, comme celui des thomistes, et non pas prochain ; ou, s’il est prochain, ils pourront aimer la grâce sans qu’elle opère ses effets en eux. Mais cela étant si contraire aux principes de ce saint, concluons que, puisque jamais la grâce n’est reçue ni désirée que quand elle opère elle-même ces effets, il n’est pas vrai que les justes aient ce pouvoir prochain par lequel leur libre arbitre pourroit opérer ces effets. Je ne l’exagère pas davantage.

« Quand donc il nous est commandé de vouloir le bien, notre devoir nous est montré ; mais parce que nous ne pouvons l’avoir de nous-mêmes, nous sommes avertis de demander ce secours à celui qui nous donne ce précepte : ce que néanmoins nous ne pouvons demander, si Dieu n’opère en nous-mêmes de le vouloir. » ( Fulg., lib. II, De veritate prædest., cap. IV.) Saint Fulgence ne dit pas que nous ne le demandons pas, si Dieu n’opère en nous de vouloir le demander : mais que nous ne pouvons point le demander. Il n’y a donc point, suivant ce Père, de pouvoir prochain de demander l’accomplissement des préceptes dans ceux qui n’en ont pas la volonté : et suivant lui, le pouvoir et le vouloir sont tellement joints, que jamais l’homme n’a le pouvoir, si Dieu ne lui en donne le vouloir.

« Car qui peut prier comme il faut, si ce divin médecin ne nous inspire lui-même le commencement de ce désir ? Ou qui peut persévérer dans l’oraison, si Dieu n’augmente dans nous ce qu’il a commencé, ne nourrit ce qu’il a semé, et ne conduit à l’effet de la perfection, par la suite de sa miséricorde, ce qu’il a donné gratuitement à des indignes par sa miséricorde prévenante ? donc c’est la seule grâce qui fait en nous la bonne volonté, elle seule donne la foi à la volonté ; mais, quand la bonne volonté a eu la foi, elle commence d’opérer le bien, si toutefois le secours de la grâce ne nous manque point ; car la grâce fait en nous la bonne volonté. » (Fulg., Epist. IV, cap. II.) « Car, afin que nous ne nous éloignions point de Dieu, cela ne nous est donné que de Dieu, cela n’est plus maintenant dans les forces du libre arbitre. » (Saint Aug., lib. De dono persev., cap.VII.) Et ensuite : « Et Dieu a voulu qu’après la chute de l’homme, il n’appartînt plus, sinon à sa grâce, que l’homme s’approche de lui ; et qu’il n’appartînt, sinon à sa grâce, que l’homme ne se retire point de lui. » Par elle « il est fait que l’homme soit de bonne volonté, au lieu qu’il étoit méchant auparavant : » par elle, « il est fait que cette bonne volonté qui maintenant a commencé d’être, soit augmentée, et devienne assez grande pour faire le bien. » (Aug., De grat. et lib., cap. XV et XVI.)

Quand on a compris une fois parfaitement cette doctrine, on n’est plus surpris de voir que saint Augustin dise que les commandemens sont possibles à l’homme, et toujours possibles, non-seulement aux justes, mais