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FERMENTATION ET GÉNÉRATIONS DITES SPONTANÉES

Elle peut être recueillie et transportée au loin sans perdre son énergie. Son activité n’est qu’affaiblie quand on la dessèche ou qu’on la fait bouillir avec de l’eau. Enfin il faut très peu de cette levûre pour transformer un poids considérable de sucre. Ces fermentations doivent s’effectuer de préférence à l’abri de l’air, afin qu’elles ne soient pas gênées par des végétations ou des infusoires étrangers.

Nous retrouvons là tous les caractères généraux de la levûre de bière, et ces substances ont probablement des organisations qui, dans une classification naturelle, doivent occuper deux genres voisins ou deux familles rapprochées.

Pour ce qui est de la rapidité et de la régularité de la fermentaion lactique dans les conditions que j’ai assignées, lorsque le ferment lactique se développe seul, tous les chimistes en seront surpris : elle est souvent plus rapide, à quantité de matière égale, que la fermentation alcoolique. La fermentation lactique, telle qu’on la pratique ordinairement, est beaucoup plus longue ; cela se conçoit très bien. Le gluten, le caséum, la fibrine, les membranes, les tissus,… que l’on emploie renferment énormément de matières inutiles. Le plus souvent elles ne deviennent un aliment pour le ferment lactique qu’après s’être putréfiées, altérées au contact de végétations ou d’animalcules qui ont rendu leurs éléments solubles et assimilables.

Voici un autre caractère qui permet de rapprocher encore le nouveau ferment de la levûre de bière : Si l’on sème dans le liquide sucré albumineux limpide de la levûre de bière et non de la levûre lactique, c’est de la levûre de bière qui se développera, et avec elle la fermentation alcoolique, bien qu’il n’y ait rien de changé aux autres conditions de l’opération. Il ne faudrait pas en concure qu’il y aura identité de composition chimique entre les deux levûres, pas plus que la composition chimique de deux végétaux n’est la même parce qu’ils ont vécu dans le même sol.

Enfin, il y a une dernière analogie que je ne dois pas omettre ; c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir déjà de la levûre lactique pour en préparer : elle prend naissance spontanément[1], avec autant de facilité que la levûre de bière, toutes les fois que les conditions sont favorables.

  1. Je me sers de ce mot comme expression du fait, en réservant complètement la question de la génération spontanée. Au contact de l’air commun la levûre lactique prend naissance si les conditions de nature du milieu et de température s’y prêtent. Si l’on opère à l’abri de l’air ou avec de l’air préalablement chauffé, les choses se passent comme il arrive pour la levûre de bière ou les infusoires, et l’on peut reproduire dans ces conditions les expériences bien connues de divers physiologistes qui ont répété et précisé celles d’Appert et de Gay-Lussac sur l’influence de l’air dans les phénomènes dont il est ici question.