évapore le liquide, du jour au lendemain il fournit une cristallisation abondante de lactate de chaux, et l’eau mère contient des quantités variables de butyrate de cette base. Si les proportions de craie et de sucre sont convenables, le lactate cristallise en masse volumineuse au sein même du liquide pendant le cours de l’opération. Quelquefois la liqueur prend une visquosité très grande. En un mot, on a sous les yeux une fermentation lactique des mieux caractérisées, avec tous les accidents et toute la complication habituelle de ce phénomène, bien connu des chimistes dans ses manifestations extérieures.
On peut remplacer, dans cette expérience, la décoction de levûre par celle de toute matière plastique azotée, fraîche ou altérée, selon les cas. Ce liquide limpide, tenant en dissolution une matière azotée, n’est qu’un aliment, et à ce titre son origine importe peu, pourvu que sa nature se prête au développement du corps organisé qui se produit et se dépose successivement.
Voyons maintenant quels sont les caractères de cette substance, dont la production est corrélative des phénomènes compris sous la dénomination de fermentation lactique. Prise en masse, elle ressemble tout à fait à de la levûre ordinaire égouttée ou pressée. Elle est un peu visqueuse, de couleur grise. Au microscope, elle est formée de petits globules ou d’articles très courts, isolés ou en amas, constituant des flocons irréguliers ressemblant à ceux de certains précipités amorphes. Les globules, beaucoup plus petits que ceux de la levûre de bière, sont agités vivement, lorsqu’ils sont isolés, du mouvement brownien, c’est-à-dire du mouvement qu’affecte toujours la matière solide en suspension dans un liquide lorsqu’elle est amenée à un état suffisant de division[1]. Lavée à grande eau par décantation, puis délayée dans de l’eau sucrée pure, elle l’acidifie immédiatement, progressivement, mais avec une grande lenteur, parce que l’acidité gêne beaucoup son action sur le sucre. Si l’on fait intervenir la craie, qui maintient la neutralité du milieu, la transformation du sucre est sensiblement accélérée, et en moins d’une heure le dégagement du gaz est manifeste et la liqueur se charge de lactate et de butyrate de chaux en quantités variables. Lorsque, d’autre part, il y a une matière albuminoïde présente propre à la nourriture de la substance, elle se développe et l’on en recueille des quantités qui n’ont de limites que dans le poids de sucre employé et le poids de matière albuminoïde.
- ↑ Je n’assigne pas la grosseur des petits globules. Je crois qu’à cet état de ténuité de la matière, l’illusion produite par le jeu de la lumière sur les bords des globules entraîne à des erreurs de l’ordre de grandeur des mesures elles-mêmes. C’est cependant un point que des personnes plus versées que moi dans les recherches microscopiques pourront résoudre avec plus de certitude.