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Page:Pasteur - Œuvres de Pasteur réunies, Tome 2, 1922.djvu/20

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FERMENTATION ET GÉNÉRATIONS DITES SPONTANÉES

Dans des cas très rares, dont j’ai eu cependant la preuve à diverses reprises dans mes nombreux essais, le ferment développé sera le ferment lactique. Je le répète, c’est une exception si les choses se passent ainsi, et lors même qu’on aurait préalablement semé du ferment lactique. C’est que, dans ces conditions, la liqueur peut devenir acide et que l’acidité paraît affaiblir et contrarier le ferment lactique plus que le ferment alcoolique. Bien des recherches sont encore à faire dans cette direction.

Que l’on rende au contraire le milieu neutre ou un peu alcalin, le ferment lactique aura une grande tendance à se montrer et à se multiplier. Je vais en donner des preuves certaines. Si l’on ajoute à de l’eau sucrée et à de la levûre de bière de la magnésie dont la réaction est alcaline, il y aura à la fois fermentation alcoolique et fermentation lactique avec précipitation de lactate de magnésie cristallisé ; et si l’on étudie le liquide au microscope, on verra, mêlés aux globules de levûre, une quantité considérable de petits globules de ferment lactique. Ces globules prennent naissance spontanément au sein du liquide albuminoïde fourni par la partie soluble de la levûre, alors que l’alcalinité du liquide diminue beaucoup l’activité de la levûre comme ferment alcoolique. Un milieu légèrement alcalin convient donc très bien au développement de la nouvelle levûre, mais aussi il est éminemment favorable aux infusoires, qui, en dévorant les jeunes globules, ou tout au moins en leur enlevant leur nourriture, mettent une entrave souvent insurmontable à ce genre de phénomènes.

La levûre de bière offre des particularités de même nature. Elle agit fort mal au milieu d’une liqueur alcaline ; le plus souvent elle y est arrêtée. Elle est également gênée par une acidité même très minime, contrairement à ce qui est admis généralement. C’est d’un milieu neutre qu’elle s’accommode le mieux, et, comme dans toute fermentation alcoolique ordinaire il se forme des acides, il y a une cause permanente de ralentissement de son action. Et, en effet, j’ai reconnu que l’addition de la craie à la levûre de bière favorise singulièrement le dédoublement du sucre en alcool et en acide carbonique. Et quand rien n’entrave ce mode de fermentation alcoolique, lorsque celle-ci a toute la rapidité qu’elle peut acquérir, la quantité d’acide formée dépasse très peu ou n’attent pas celle qui se serait produite sans addition de craie. Il faudrait donc théoriquement maintenir le milieu neutre dans la fermentation alcoolique ; elle serait incomparablement plus prompte. Ce procédé néanmoins n’est pas pratique ; il amènerait de graves accidents, parce que la neutralité du milieu favorisant le développement de la levûre lactique et des animalcules