Page:Pasteur - Examen critique d’un écrit posthume de Claude Bernard sur la fermentation, 1879.djvu/30

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mante que vous avez eue, et dont je vous suis bien reconnaissant, que celle de me faire écrire par une commission d’amis. Je garde précieusement cette Lettre, d’abord parce qu’elle exprime des sentiments qui me sont chers et ensuite parce que c’est une collection d’autographes d’hommes illustres qui doit passer à la postérité. Je vous prie d’être mon interprète auprès de nos amis et collègues E. Renan, A. Maury, F. Ravaisson et Bellaguet. Dites-leur combien je suis touché de leur bon souvenir et de leurs félicitations sur mon rétablissement. Ce n’est malheureusement pas encore une guérison, mais au moins j’espère une bonne entrée en convalescence.

J’ai reçu l’article que Pasteur a fait sur moi dans le Moniteur. Cet article m’a paralysé les nerfs vaso-moteurs du sympathique et m’a fait rougir jusqu’au fond des yeux. J’en ai été tellement ébouriffé, que j’ai écrit à Pasteur je ne sais plus trop quoi ; mais je n’ai pas osé lui dire qu’il avait peut-être eu tort de trop exagérer mes mérites. Je sais qu’il pense ce qu’il a écrit, et je suis heureux et fier de son jugement, parce qu’il est celui d’un savant de premier ordre et d’un expérimentateur hors ligne. Néanmoins je ne puis m’empêcher de penser qu’il m’a vu à travers le prisme des sentiments que lui dicte son excellent cour, et je ne mérite pas un tel excès de louanges. Je suis on ne peut plus heureux de tous ces témoignages d’estime et d’amitié qui m’arrivent. Cela me rattache à la vie et me montre que je serais bien bête de ne pas me soigner pour continuer à vivre au milieu de ceux qui m’aiment et à qui je rends bien la pareille pour tout le bonheur qu’ils me causent. J’ai l’intention de rentrer à Paris d’ici à la fin du mois, et, malgré votre bon conseil, j’aurais envie de reprendre tout doucement mon cours au Collège cet hiver. J’espère qu’on m’accordera de ne commencer que dans le courant de janvier. Mais nous causerons de tout cela à Paris.

En attendant, votre ami tout dévoué et bien affectionné,

Claude Bernard.

Saint-Julien, samedi 10 novembre 1866.