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L’ÉTAPE

Je maintiens ce que je vous ai dit tout à l’heure, mon ami. Je n’accepte de votre part, aujourd’hui, aucune réponse définitive. Mais j’ai le droit, comme père, et l’obligation de veiller sur le cœur de mon enfant. J’exige simplement de vous la promesse que vous tiendrez compte, vous aussi, de ce cœur de jeune fille. Vous avez manqué à votre devoir, permettez-moi de vous le dire, en vous occupant d’elle et en le lui laissant deviner quand vous n’étiez pas plus sûr de vous. Vous y avez manqué, ce matin, en venant au-devant de nous, comme vous l’avez fait, quand vous m’apportiez une telle réponse. Vous avez cédé à votre sensibilité, comme vous y avez cédé avec votre père. Car il faut avoir le courage de vous l’avouer plus complètement : ce n’est pas à cause de lui que vous lui avez caché votre vie intérieure de ces dernières années, c’est surtout, c’est beaucoup à cause de vous-même, pour ne pas souffrir, pour ne pas lutter. J’avais mis à votre mariage avec ma fille une condition. Je l’y mets toujours, et j’y joins cette autre, que, si jamais vous devez revenir ici me redemander la main de Brigitte, vous aurez parlé d’abord à votre père, avec une absolue vérité. On la doit, cette vérité absolue sur soi-même, à ceux dont on sort. Si j’ai bien entendu une de vos phrases, vous entrevoyez dans votre milieu la probabilité d’un grand chagrin pour vos parents. Je respecte votre réticence et je ne vous interroge pas. Pensez-vous que, ce jour-là, vous pourrez être à