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L’ÉTAPE

réveilla comme d’un songe et avec un sursaut, en entendant la porte s’ouvrir. C’était Brigitte qui, sachant son père seul, n’avait pu contenir son impatience. Son beau visage avait aux joues la rougeur d’une émotion qu’elle essayait pourtant de dominer :

— « Il est parti, mon père, et vous ne m’avez pas appelée ? Vous avez de mauvaises nouvelles à me donner. Ne me ménagez pas. Je suis prête. Il n’accepte pas. »

— « Non, Brigitte, » répondit M. Ferrand, « il n’accepte pas. »

— « Et c’est pour le motif que vous aviez prévu ?… »

Et, comme son père inclinait la tête, en signe d’assentiment, elle demanda encore :

— « Il a parlé à M. Monneron, et celui-ci ne consent pas ?… »

— « Il ne lui a pas parlé, » dit M. Ferrand. « Il a craint que même son hésitation ne fit trop de peine à son père. Ah ! ce sont d’étranges rapports, et, si tu les connaissais comme je les connais à présent, tu ne pourrais pas lui en vouloir de sa faiblesse. Tu l’en plaindrais… »

— « Je ne lui en veux pas, » répondit la jeune fille. Elle avait pâli et s’était, de la main, appuyée à une chaise en entendant ces mots : « Il ne lui a pas parlé. » Ses paupières battirent sur ses prunelles profondes, et, d’une voix où passait une angoisse :

— « Je voudrais vous poser une question, mon