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L’ÉTAPE

mieu-Dax font bien tout ce qu’il faut pour cela, en venant lui tenir des conférences sur la fraternité et la justice avec des pelisses de loutre sur le dos, et dans des coupés de cinq mille francs ! Si j’étais comme Riouffol, moi, je leur dirais : Rendez l’argent d’abord. Plus de fourrures, plus de titres, plus d’équipages, plus de millions. Nous causerons ensuite… Il ne dit pas cela, mais il le pense, et, franchement, il n’a pas tort… »

— « Jamais Adhémar et Salomon ne sont venus à l’Union dans leur voiture, » répondit Jean, d’un accent aussi irrité cette fois que celui de son père. Était-ce bien contre la boutade d’Antoine ? « Non, jamais, » répéta-t-il. « Tous deux ont trop de cœur et trop de tact… »

— « Ils laissent les chevaux et la livrée au coin de la rue, » reprit le fils aîné, « c’est pire. D’ailleurs, qu’ils s’en servent ou non pour aller rue du Faubourg-Saint-Jacques, ils les ont, comme ils ont, l’un, son hôtel rue de Varennes et ses ancêtres, l’autre, son hôtel avenue Hoche et les cinq cent mille francs de rente que le papa Crémieu-Dax a ramassés dans les mines. Tout le monde le sait dans votre U. T., Riouffol le premier, et à quoi crois-tu donc qu’il pense, sinon à cela, pendant qu’il est en train de confectionner chez son patron des cartonnages à la Bradel, métier fort démocratique, mais peu divertissant, auquel il gagne huit francs par jour, pas même ce que mangent d’avoine les bêtes de ces messieurs ?… . À sa place, moi !…