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UN DIVORCE


lonté dont, il eut soudain honte. La discipline à laquelle il avait été dressé depuis son adolescence par son beau-père reprit le dessus dans cette sensibilité si profondément bouleversée. Cette fois c’étaient ses propres paroles qui lui revenaient à la mémoire. : « Sans vérité, il n’y a pas de conscience… » Il se redit, il s’enfonça jusqu’au plus intime de son âme ce mot de « vérité », et, comme il eût marché sur un pistolet chargé, dans un duel, il entra dans la maison. Il n’avait rien demandé à la loge, mais sa résolution était si entière maintenant qu’arrivé sur le palier de Berthe, et quand il vit la clef sur la porte, un soupir de soulagement échappa de sa poitrine. Un coup du revers de sa main sur cette porte, — les deux syllabes « Entrez » prononcées de cette voix à laquelle il avait tant cru, — un tour donné à la clef, et il était devant elle.


IV
la vérité

L’étudiante avait reconnu la manière de frapper du jeune homme. Aussi ne s’était-elle pas levée du fauteuil où elle se tenait assise. Devant elle, sur son bureau, un atlas se trouvait ouvert, à une page où était représentée l’anatomie de la jambe. L’entrelacement des vaisseaux sanguins, des nerfs et des muscles autour des os était figuré par une superposition de lamelles de papier découpées et coloriées en bleu, en noir, en gris, en rouge. Des doigts de sa main gauche, Berthe soulevait soigneusement