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LA VÉRITÉ

rendaient plus sévère les signes partout épars des occupations de la Cerveline, comme l’argot des écoles appelle sinistrement les futures doctoresses : ici, les instruments d’une trousse rangés à l’air après un nettoyage ; là, une tête de mort et les débris d’un squelette démonté ; dans la bibliothèque, des volumes de médecine ; ailleurs, un modèle d’œil agrandi en carton, destiné à montrer le mécanisme de la vision. Les seuls objets d’art étaient six grandes photographies des prophètes de la Chapelle Sixtine. Leurs musculatures d’athlètes semblaient prolonger sur les murs les enseignements de l’amphithéâtre. Quoique l’étudiante dormît dans cette unique chambre, on n’y voyait pas de lit. Son extrême souci de tenue, en même temps que son parti pris systématique de camaraderie masculine, l’avaient conduite à rechercher, pour l’endroit où elle recevait, cet aspect de salon de consultation. Elle couchait sur une banquette, en ce moment couverte d’une housse de cretonne. Un petit cabinet attenant lui servait pour sa toilette et pour la penderie de ses effets. Quelques détails décelaient pourtant la femme : une minuscule étagère, par exemple, posée sur la commode, avec des tiroirs sur lesquels se lisaient les mots : « Gants, Cravates, Mouchoirs, » et flottant dans l’air, un frais arôme de poudre d’iris mélangé au parfum d’une gerbe de mimosas achetée dans la rue. Les chatons d’or et le fin feuillage de ce bouquet méridional, posé dans un vase de verre, parlaient de jeunesse facile, de libre existence, de plages heureuses, de lointains voyages… Quel contraste avec cette cellule où les singularités de la destinée de Berthe étaient comme symbolisées : le provincia-