Aller au contenu

Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jeannin était la sobriété même. Aubry pensa :

— Il faut que les fièvres le brûlent pour songer à boire en un moment pareil.

— L’avis que je voulais te demander, ami, reprit-il, le voici. Depuis hier, par suite de circonstances que je te raconterai plus tard en détail, je me suis trouvé en rapport avec un homme qui semble posséder un pouvoir surnaturel. J’ai vu des choses qui dépassent croyance.

Jeannin bâilla dans son casque.

— Pauvre ami ! fit Aubry, je ne te vis jamais ainsi.

— Où diable trouverai-je à boire ? demanda Jeannin.

— Je ne sais. Veux-tu que je t’envoie quérir de l’eau.

— Fi donc !

— Cet homme dont je te parle, écoute-moi bien, ami, le cas est grave ! cet homme m’a témoigné de l’amitié. Il n’est pas de bonne vie et parle avec légèreté des choses saintes, mais il veut que je sois vainqueur et m’a fait remettre tout à l’heure cette lance que je tiens à la main ; cette lance est fée.

— Bah ! fit Jeannin qui se mit à rire.

La veille, il eût fallu bien autre chose vraiment pour faire rire le bon écuyer ! Aubry tombait de son haut.

— Penses-tu, demanda-t-il encore pourtant, que je puisse loyalement combattre avec cette lance à laquelle nul ne peut résister ?

Jeannin lui mit rondement la main sur l’épaule.

— Mon petit seigneur, dit-il, entre dans cette tente et va me chercher une tasse de vin frais. Tâche qu’elle soit large, profonde et pleine, je te dirai ensuite mon opinion sur ta lance qui est fée.