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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/153

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tiendrai ; le petit Jeannin me viendra en aide en cas de malheur.

La loge tourière avait deux compartiments, dont le second servait de guérite en temps d’alerte. Frère Bruno se leva et ouvrit la porte battante qui séparait les deux cellules.

— Pourront-ils se cacher tous là dedans ? grommela-t-il.

Deux heures s’écoulèrent. Les bruits de la salle d’armes avaient cessé. Moines et soudards dormaient. Vers cet instant, la sentinelle qui veillait sur le rempart oriental crut entendre un bruit de rames au large. Elle regarda de tous ses yeux ; elle ne vit rien. Le bruit s’affaiblit, puis cessa.

Un moment après, la sentinelle crut ouïr un son de fer au bas de la rampe. Elle cria qui vive. On ne répondit point. Dans la nuit noire, des ombres glissèrent. La sentinelle épaula son arbalète et tira. Le carreau rebondit sur les pierres de la montée.

La porte du monastère s’ouvrit. La sentinelle pensa :

— Ce vieux fou de frère Bruno court le guilledou la nuit ; il se fera casser la tête une bonne fois.

On vint le relever. Il ne dit mot de son aventure. Deux heures encore se passèrent. La mer était basse. La lune, à son dernier quartier, se levait derrière les collines d’Avranches. Du haut des remparts on put distinguer bientôt une masse noire qui traversait la grève. La masse grandit et se détacha c’était une nombreuse troupe d’hommes d’armes.

Le roi Louis XI, escorté de sa garde écossaise, fit son entrée au Mont Saint-Michel vers une heure de nuit. Il demanda tout de suite des nouvelles de son très cher frère et bien-aimé cousin le duc François de Bretagne.

Au lever du jour, nous retrouvons frère Bruno debout et tout gaillard dans sa loge de tourier. Il était seul. Si quelqu’un durant la nuit s’était caché dans la guérite, nulle trace de ce fait ne restait. Il y avait eu, lors de l’arrivée du roi, grand remue-ménage. Pendant plus d’une heure, hommes d’armes et archers de la garde écossaise avaient encombré tous les passages. Quand ces embarras arrivent de nuit dans une for-