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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/159

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votre ordre et frérie de cet immonde alliage qu’y veut introduire le démon. Secourez-moi si c’est votre plaisir, et je mettrai cent écus d’or au troc de votre basilique. Amen.

Amen, répéta le Dain qui revenait portant sur ses bras les diverses pièces du splendide costume de grand maître que le roi allait revêtir.

Les cloches du Mont sonnaient à toute volée. Le vent d’est apportait la réponse lointaine des carillons de la ville d’Avranches. C’était l’heure de la grand’messe ; la marée était au plus bas ; littéralement, le sable des grèves disparaissait sous la foule compacte qui, de tous côtés, se dirigeait vers le mont Saint-Michel.

Depuis le jour solennel où le duc fratricide, François Ier était venu recevoir, dans l’hôtel de la basilique inachevée, la première punition de son forfait, vingt ans s’étaient écoulés, vingt ans bien employés. Les galeries suspendues étendaient maintenant leur ligne tout autour de l’église, et la voûte fermée jetait au-dessus de la nef son ogive hardie. Cependant, il restait encore à faire. Le chœur n’était point terminé et les travaux qu’on avait repris quelques mois auparavant laissaient derrière l’autel d’une large ouverture. Pour la cérémonie, cette ouverture était close à l’aide de châssis drapés de velours.

Autant la journée de la veille avait été radieuse, autant ce jour était sombre. Le vent d’est amène la pluie au deuxième jour de marée. Le ciel se couvrait d’un voile épais, et depuis le matin, c’était comme un déluge.

Les tentures de la basilique avaient été calculées pour une journée d’août, pleine de soleil et de lumière.

On avait jeté, d’un pilier à l’autre, tout le long de la nef, de belles draperies d’un rouge sombre, rehaussées d’or, au centre desquelles le collier de Saint-Michel était brodé en bosse : à la voûte, une toile d’azur se parsemait de lis d’or, qui, à ce firmament, semblaient des étoiles. Le chœur, tendu de violet, était semé de coquilles d’argent, laxées, comme disait le réglement édicté par le roi Louis en personne, laxées l’une