— Ce n’est pas assez, dit l’homme d’armes.
— Eh bien ! répliqua encore Bruno, une fois plus que cela. Es-tu content !
Jeannin lui lâcha le bras et passa le revers de sa main sur son front.
— Non, murmura-t-il, je ne suis pas content et ce n’est pas assez.
— Que faut-il ?
— Il me faut la confiance qu’on a pour son frère ou pour son père.
Bruno se gratta l’oreille.
— Je te connais depuis du temps, Jeannin, dit-il après un silence ; c’est moi qui te montrai à jouer des deux bras comme un homme, là-bas, au siège de Tombelène. Te souviens-tu ? je t’appelais Peau-de-Mouton… Apprends-moi ce que tu veux et je ferai mon possible.
— Ce que je veux, mon frère Bruno, je ne le sais pas encore bien moi-même. Ma tête travaille depuis hier, mais elle n’est pas habituée à travailler ; elle va lentement à la besogne. Répondez-moi d’abord franchement : Êtes-vous pour la Bretagne ou pour la France ?
— Est-ce que la France et la Bretagne sont en guerre ? Si elles sont en guerre, saint Archange que devient mon mariage entre le dauphin Charles et la jeune duchesse Anne ?
— Mon frère, on aura le loisir de faire la paix d’ici-là. Pour qui êtes-vous ? pour le duc ou pour le roi ?
— Je suis pour les bons hommes, mon fils. Vive Dieu ! allons-nous voir courir les lances ? Les canons de Saint-Michel qui lancent des boulets de pierre vont-ils gronder ? L’Évangile commande d’aimer la paix, mais Moïse et Josué ont fait la guerre, oui, bien par l’ordre du Très-Haut. Je bats mon froc quand je veux qu’il soit net ; sans la lance et sans l’épée le monde mourrait de paresse… Alleluia ! je rajeunis de vingt ans à penser que les bannières vont flotter au soleil !…