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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/76

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— Monseigneur, reprit Coëtquen, ce Jeannin est dans ma tente. Il attend des nouvelles : quand ces nouvelles seront venues pourra-t-il être introduit auprès de Votre Altesse ?

— Tout le monde l’a vu ici à la bataille, répondit le duc ; on l’introduira. Continuons, je vous prie, à raisonner sur les événements. J’ai refusé l’ordre de Saint-Michel parce que les statuts de cet ordre limitent mon droit de souverain et enchaînent mon libre vouloir. Le roi se vengera de mon refus. Voyons les choses au pis, comme il faut faire avant d’avoir sur les yeux le bandeau de l’agonie. Supposons que la Bretagne chancelante ait à tomber… messires, je me sens ferme sur mes jambes et ne parle que par hypothèse… De quel côté, pour le bien de nos peuples, faudrait-il diriger notre chute ?

Châteaubriant, Plœuc, Goulaine, tous les jeunes gens gardèrent le silence avec un orgueilleux sourire. Ils n’admettaient pas l’hypothèse. Pourquoi prévoir la chute ? Le duc Pierre ou le duc Jean ne se seraient pas demandé d’avance s’il faudrait tomber à droite ou à gauche. Il n’y a qu’une manière de tomber pour un souverain : face à l’ennemi, droit et mort !

Les jeunes gens avaient raison et tort : raison en principe, tort sur le fait. Étant donné le duc François, il fallait songer à la chute possible.

À gauche l’Anglais, à droite la France : deux grands pays entre lesquels la petite Bretagne, pressée, ne se défendait guère que par la loi de l’équilibre.

Le vieux Tanneguy du Chastel attachait sur François un regard triste et calme.

— Il fut un temps où la Bretagne et la France ne formaient qu’une seule et même contrée, dit-il. Je ne sais si cela était bon ; je sais que ce qui a été peut être encore. Ce qui ne se peut, c’est la Bretagne anglaise : on ne jette pas un pont sur l’Océan.

— Le vassal gardé contre son maître par l’Océan est un