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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/85

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— Pour sa peine, dit le roi, répondant à l’observation de le Dain, il ne sera que le seizième.

— Le quinzième est nommé ? demanda le Dain.

— Oui bien, répliqua le roi qui sourit dans ses rides précoces. Voici les noms et titres du quinzième : Tanneguy du Chastel, gouverneur des pays de Roussillon et de Sardaigne.

— Acceptera-t-il ? murmura le barbier.

— On ne peut dire si le poisson sera pris avant d’avoir paré l’hameçon, mon compère. S’il accepte, notre bon cousin François sera plus penaud que le renard au regret de sa queue. S’il refuse, j’ai un autre chevalier tout prêt, et notre bon cousin François sera toujours le seizième sur ma liste.

— Et puis-je savoir le nom du nouveau chevalier, demanda maître Olivier le Dain.

Avant que le roi fît réponse, un page souleva la portière de la tente et annonça :

Otto, comte Béringhem, seigneur de Chaussey et autres lieux.

Maître le Dain bondit sur son tabouret et devint plus blême qu’un agonisant. On entendit les pieds de son siège battre un roulement sur le sol. La voix du page qui avait prononcé le nom de l’Homme de Fer grelottait dans sa gorge. Il se fit dans la tente un silence solennel et profond durant lequel on put ouïr l’énorme salière sculptée rendre une plainte argentine, comme si l’approche du maudit eût effrayé les objets inertes eux-mêmes.

Personne n’entrait chez le roi pendant sa barbe, comme on appelait l’heure de sa conférence intime avec maître Olivier le Dain. Pour qu’un officier vînt annoncer ainsi un étranger, il fallait que le roi lui-même eût donné des ordres.

— Sire ! sire ! balbutia le barbier dont les dents claquaient : préviendrai-je la garde écossaise ?

— Elle est prévenue, mon compère, répliqua le roi tout bas.

— Je demande à Votre Majesté la permission de me retirer…

— Tu n’es pas curieux, le Dain, mon ami, dit le roi qui était calme ; on ne voit point un ogre tous les jours. Reste.