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Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/94

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Nasboth faisait ce qu’il pouvait. Ce n’était pas un de ces esprits robustes qui entrent dans les maisons en démolissant un pan de muraille, car il avait beau se démener, il ne pouvait soulever le couvercle en argent massif de la salière. Le roi ouvrait de grands yeux ne sachant quel genre d’animal menait dans l’intérieur de son argenterie cet étrange tapage. Sa frayeur, s’il avait eu frayeur, tournait à l’envie de railler.

Le comte Otto, à bout de patience, leva lui-même, d’un geste violent, le couvercle de la salière. Tout aussitôt Nasboth s’élança et sauta sur la table. Pour le coup, le roi devint pâle et mit sa main au-devant de ses yeux. Nasboth était un esprit de forme irrégulière et peu gracieuse une tête énorme, armée de cheveux hérissés sur un corps dont l’exiguïté pouvait paraître assurément un fait surnaturel. Le roi posa précipitamment son saint Michel d’or entre lui et Nasboth. Nasboth faisait peur au roi.

Le comte Otto, cependant, n’était pas content de Nasboth ; il le prit par les cheveux et le jeta sous son bras comme un paquet.

— J’emporte ce qui est à moi, dit-il en sortant ainsi de la tente.

Son noir écuyer l’attendait au dehors avec des chevaux. Il se mit en selle. ; l’écuyer lui drapa sur les épaules un long manteau sous lequel disparurent le petit corps et la grosse tête du pauvre Nasboth. Le comte Otto, Nasboth et l’écuyer descendirent au galop dans la plaine.

Louis XI, resté seul, replaça d’abord avec soin le couvercle de sa salière.

— C’est un nain, se dit-il, un nain de chair et d’os. Mais comment a-t-il pu s’introduire en cette cachette ?

Les gens qui regardent dans les tiroirs de commode avant de dire tout haut leur secret n’exagèrent point la prudence. Les oreilles se fourrent partout.

Le roi revint au diamant, qui ne s’était point changé en caillou après le départ de l’Homme de Fer. Puis il s’agenouilla devant l’image de saint Michel.