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Page:Paul Leroy-Beaulieu,Le travail des femmes au XIXe siècle,1873.djvu/19

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industrie agricole, et que, sur une même quantité de produits, le fisc, le seigneur, le pillage prélevaient une part supérieure à celle que perçoivent aujourd’hui les impôts et la rente du propriétaire, on concevra combien triste et vile était alors la condition des femmes de la campagne, obligées de se livrer, avec de grossiers instruments, à un incessant labeur pour une chétive et dérisoire rémunération. Cette dégradation des ouvriers des campagnes, hommes et femmes, un moraliste ingénieux du dix-septième siècle, qui a su dans ce passage rencontrer l’éloquence, l’a décrite en termes que l’on ne peut oublier : « L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus dans la campagne, dit La Bruyère, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs deux pieds, ils montrent comme une face humaine : et, en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. » Ce que pouvaient être dans ces tanières la vie domestique, éducation des enfants, alors surtout que manquait l’école, nous le laissons à deviner ; si ce genre de vie était conforme à la destination normale et aux devoirs naturels de la femme, nous n’entreprenons pas de le