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Page:Paul Leroy-Beaulieu,Le travail des femmes au XIXe siècle,1873.djvu/20

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discuter. Ce qu’il nous suffit d’avoir établi, c’est que, dans tous les temps, les rudes nécessités de la vie ont empêché la femme de se consacrer tout entière aux gracieuses et nobles occupations du foyer domestique, et que, soit aux champs, soit à la ville, le besoin d’un morceau de pain l’a contrainte à un incessant labeur, et a forcé l’épouse et la mère à s’amoindrir et à disparaître quelquefois derrière l’ouvrière.

L’histoire du travail des femmes dans les siècles plus rapprochés de nous serait l’histoire même de l’industrie. On verrait que plus la civilisation se développe et se raffine, plus le bien-être s’étend, plus les femmes participent à la production ; et cette participation, sans cesse plus grande et plus active, de la main-d’œuvre féminine à l’industrie, est regardée par les femmes elles-mêmes comme un bienfait. Des différentes branches de la production, ce sont les industries textiles qui, chez tous les peuples et dans tous les temps, ont fait la plus large part aux femmes ; mais, à l’origine, ces industries sont réduites et ont peu d’extension. À la chute de l’empire romain, une belle chemise de lin coûtait autant qu’un esclave[1]. En 830, tente belles chemises de lin valaient trois livres, alors qu’un cheval valait six sous, un bœuf deux sous et le modius (52 litres) de blé quatre deniers[2] : c’est dire qu’on fabriquait bien peu d’étoffes de lin et que la fabrication en était bien longue ; c’est dire aussi que

  1. Levasseur, Histoire des classes ouvrières, 1, page 151.
  2. Idem, 1, pages 148, 149,