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daine qui, partant de la métairie de ce nom, traversaient la Rance, alors simple ruisseau, pour venir brouter les vignes que saint Suliac avait plantées autour de son monastère. Un matin saint Suliac les frappa de sa crosse en les maudissant, et les ânes restèrent immobiles près de l’enclos, la tête retournée sur le dos. Ils demeurèrent en cet état jusqu’au moment où le saint les délivra de cette position, et en s’en allant ils firent un tel bruit que, pour ne plus en être incommodé, saint Suliac élargit la Rance et lui donna la largeur qu’elle a aujourd’hui.

La seconde légende, intitulée : la Guivre, raconte qu’un moine de la suite de saint Samson, étant venu visiter saint Suliac, se trouva offusqué de la simplicité des mets qui lui furent offerts ; et ayant caché une partie de son pain dans sa robe, il fut pris de convulsions : c’était un serpent qui déchirait la poitrine du moine, et dont saint Suliac le délivra.

Habasque (Not. historiques, t. III, p. 91) raconte ainsi qu’il suit une légende qui lui fut dite au Chemin-Chaussée, canton de Matignon : « Guillaume Pinchon (saint Guillaume, évêque de Saint-Brieuc) venait de voir des parents qu’il avait dans les environs. Il faisait chaud, et se trouvant altéré, il entra dans un cabaret pour s’y rafraîchir, après quoi il donna sa bénédiction à l’hôte et se disposa à sortir. « De l’argent, » lui dit l’hôte. Guillaume n’en ayant pas, on saisit son bréviaire. Le saint continua sa route et alla coucher à l’hôtellerie de l’Abraham, où on eut pour lui toutes sortes d’égards. Avant son départ, on lui remit son bréviaire, et saint Guillaume dit : « Quiconque habitera l’Abraham y vivra à l’aise, pourvu qu’il soit sobre et laborieux. Quant au Chemin-Chaussée, jamais il ne prendra d’accroissement, et à mesure qu’on y bâtira une maison, il en tombera une autre. » Cette prédiction du saint rappelle la Légende de Rieux (Fouquet, Légendes du Morbihan, p. 19-20.) Les lavandières de Rieux refusent tout secours à un enfant qui