Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
ESCHYLE.

Déméter naissait avec une tête de cheval entrelacée de serpents, portant un dauphin sur la main droite, et une colombe sur la gauche. Aphrodite, à son origine, dormait, comme enchantée, dans une pierre carrée, attendant l’incantation de l’aëde et le ciseau du statuaire. Artémis, dégradée sous la forme d’une ourse, rôdait sauvagement par les forêts où elle devait reparaître dans sa beauté svelte, le croissant au front et l’arc à la main. Héra était figurée par une colonne à Argos, et à Samos par une planche. Une grossière image ityphallique représentait Hermès, avant qu’il devînt le type accompli de l’éphèbe. Deux poutres jointes par une traverse symbolisaient, à Sparte, le couple jumeau des Dioscures. Au-dessus de cette matière de divinités informes, pesaient, comme pour les empêcher d’éclore, des Puissances aveugles, immémoriales, engourdies, à demi plongées dans le trouble des éléments et l’ombre des causes. C’étaient le Chaos et la Nuit, Gaïa, la terre au vaste sein, Ouranos, l’espace étoile, Cronos, l’ogre divin qui dévorait ses enfants et, dans une profondeur plus lointaine encore, Moira, la Parque suprême, l’inéluctable Destin.

La Grèce répudia vite ces ténébreux ancêtres de son Olympe ; le fétichisme et l’inertie répugnaient à son génie progressif et libre. À peine venue au monde de l’histoire, elle transforma et rajeunit les