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ESCHYLE.

à leur naissance, indivisibles des éléments, qu’ils personnifient. — « Le Ciel pur», disait Aphrodite dans ses Danaïdes, « aime à pénétrer la Terre, et l’Amour la prend pour épouse. La pluie qui tombe du Ciel générateur féconde la Terre ; alors elle enfante, pour les mortels, la pâture des bestiaux et le grain de Déméter. » — Ailleurs, il pousse ce cri qui dissout l’Olympien sculpté par Phidias, et disperse dans l’infini son corps et son âme, sa foudre et son sceptre, sa barbe pluvieuse et sa chevelure rayonnante : « Zeus est l’air, Zeus est le ciel, Zeus est la terre, Zeus est tout ce qu’il peut y avoir au-dessus de tout. » Dans un Chœur de l’Orestie, le Dieu qu’on invoque semble invité à choisir lui-même son nom, dont le poète n’est pas sûr. — « Zeus ! qui que tu sois, si ce nom l’agrée, c’est sous ce nom que je t’implore ! »

Ce large et libre esprit se concilie dans Eschyle, avec la piété la plus haute et la plus fervente. Les contradictions innombrables du polythéisme retentissent douloureusement dans son âme. Les luttes des dieux détrônés et des dieux régnants, leurs vengeances et leurs châtiments arbitraires, le libre arbitre opprimé par la tyrannie du les meurtres ordonnés par des oracles et punis par des décrets également divins, les dynasties et les familles vouées à l’hérédité du forfait, toutes ces redoutables énigmes