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LA PERSE ET LA GRÈCE.

nombrables, leurs phalanges étaient des nations. Toutes les richesses du monde affluaient dans son trésor par des pentes aussi entraînantes que celles qui portent les fleuves à la mer. Il tirait, chaque année, vingt mille talents d’or de ses États tributaires ; les peuples dépourvus de métaux payaient en nature. Les Éthiopiens donnaient des dents d’éléphant et du bois d’ébène ; les Arabes, comme les mages de l’Évangile, offraient de l’encens ; les tribus caucasiques envoyaient cent jeunes garçons et cent vierges. L’Empire nourrissait en outre, le roi et sa maison, et les défrayait de toutes choses. Telle ville fournissait le pain, telle autre la viande ; celle-ci le vin, celle-là les eunuques et les chiens de chasse. Babylone, à elle seule, entretenait pour le service de la cour un haras de seize mille cavales et de huit cents étalons. Ajoutez l’obligation rigoureuse de n’aborder le monarque, pour une audience ou pour une requête, qu’en déposant à ses pieds un présent mesuré à la fortune du solliciteur. Le roi prenait le poisson du pêcheur et l’agneau du pâtre aussi bien que le coffre de la province et le joyau du satrape. La concubine même du harem, implorant une faveur, devait détacher un collier de son cou ou une bague de ses doigts. L’idole était irrassasiable d’offrandes, il fallait la redorer sans cesse pour être exaucé. Ces flots de richesses, charriés par des milliers de ca-