Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
LA PERSE ET LA GRÈCE.

un petit peuple qui, selon le mot d’un de ses poètes, « avait eu la Pauvreté pour sœur de lait ». Il n’y avait guère que deux liens entre ses tribus querelleuses : les Dieux d’Homère et d’Hésiode, et, chaque année, des Jeux solennels où elles se ralliaient un instant, dans une trêve de fraternité. Les Grecs avaient eu un âge héroïque, mais lointain déjà, presque immémorial, perdu dans l’horizon de la Fable. Dans l’intervalle, cette race s’était dispersée en colonies florissantes, sur les rives de l’Ionie et de l’Italie, et ces essaims semblaient avoir emporté avec eux te miel et l’industrie de la ruche. On eût dit que les enfants prodigues de la mère patrie avaient réclamé, en l’abandonnant, son génie héréditaire, comme leur patrimoine. Les philosophes qui ont fondé la science, en soulevant le masque mythologique qui recouvrait la nature, Thaïes et Anaximandre, Xénophane et Pythagore enseignaient tous dans la Grande Grèce et l’Asie Mineure. Anacréon chantait à Téos, Simonide et Bachylide à Céos, Arion à Sardes, Archiloque à Paros, Alcée et Sapho à Lesbos. Les îles de la mer Égée formaient une sorte de constellation de la Lyre qui brillait en dehors de l’Hellade encore à l’état d’astre en formation. Sparte faisait bande a part : casernée dans les institutions farouches de Lycurgue, elle inaugurait sa morne existence de cloître guerrier exploitant un troupeau de serfs. Athènes, à demi rustique, dégrossie