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ESCHYLE.

par les lois de Solon, à peine délivrée de la tyrannie des Pisistratides, s’exerçait obscurément, sous le patronage de Clisthènes, à l’apprentissage de la liberté. Argos, déchue de sa vieille gloire homérique, végétait sur le tombeau d’Agamemnon, comme un laurier mort. Thèbes, oublieuse d’Hercule, attendant Épaminondas et Pindare, n’était encore que la capitale de la Béotie.

Mais cette race élue portait en elle des divinités qui devaient conquérir le monde : les génies de la beauté, de la civilisation, de l’éducation, du progrès ; une religion ouverte à toutes les hardiesses et à toutes les conceptions de l’esprit, le sens unique et parfait des arts, le culte des idées pures, un don de perfectionnement qui transformait tout ce qu’elle touchait. Elle parlait une langue si mélodieuse et si lumineuse que tout autre idiome auprès d’elle paraissait un jargon grossier. Toute pauvre et exiguë qu’elle était, la conscience de son aristocratie native lui faisait appeler « Barbares » ceux qui vivaient hors de ses mœurs et de ses cités. Un aiguillon supérieur, l’amour de la gloire, la poussait aux travaux sublimes de l’action et de la pensée. Ce coin de terre était le point du jour de la civilisation éternelle ; l’imperceptible peuplade sentait en elle l’âme du monde.

Le feu couvait, le glaive l’attisa, et il en fit jaillir la grande flamme qui éclaire encore toute l’humanité.

Vers l’an 489, la Perse déclara la guerre à la