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LA PERSE ET LA GRÈCE.

niens ! » Son premier acte fut d’envoyer aux cités grecques des hérauts chargés de leur réclamer la poignée de terre et la cruche d’eau, hommage formel de vassalité, symbole parlant de la sujétion. Qui l’accordait, livrait le pays ; il tenait tout entier dans cette double offrande. La terreur de la puissance perse était telle que la plupart des villes consentirent. Thèbes, elle-même, la cité de Cadmus, envoya au Grand Roi une motte de la glèbe héroïque, d’où ses pères étaient sortis en armes, des dents semées du Dragon. Mais Sparte et Athènes firent une réponse cruellement superbe à l’insolente sommation. Avec une de ces ironies littérales que l’antiquité appliquait souvent aux supplices, les Spartiates jetèrent dans un puits le héraut de Darius, en lui criant d’aller y prendre la terre et l’eau pour le roi. Les Athéniens précipitèrent le messager dans le Barathron, et ce châtiment ne satisfit pas leur orgueil blessé. Un interprète, qui accompagnait l’envoyé des Perses, avait transmis en grec l’ordre de Darius. Cette sommation d’un despote barbare, traduite dans leur langue généreuse et libre, leur parut un crime de lèse-majesté. Ce fut pour eux un sacrilège comparable à celui d’un homme qui aurait jeté des choses impures dans un fleuve sacré. Thémistocle fit voter la mort du profanateur. — On a déchiffré récemment un papyrus d’Herculanum soutenant cette thèse : « Que les dieux parlent grec. »