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ESCHYLE.

de ses coureurs. Il y a, dès le début, quelque chose de l’essor dans toute cette histoire ; Phédippide courut comme si Hermès lui avait prêté son pétase ailé et ses talonnières. En deux jours, il fendit les mille stades qui séparent Athènes de Lacédémone. Message vain, exploit inutile : l’égoïste Sparte montrait déjà à la Grèce cette face louche et morne, sombrement envieuse, sourdement hostile, qui, plus tard, la médusa tant de fois. Elle avait du plomb à ses sandales, si Phédippide avait des ailes à ses pieds. Sa réponse, digne d’une tribu fétichiste gouvernée par un astrologue, fut qu’une antique coutume lui défendait d’entrer en campagne avant la pleine lune ; or on était au dernier quartier. Sparte promit de marcher, mais dans cinq jours seulement, lorsque l’astre serait reparu dans son plein. Cette basse superstition n’était-elle qu’un méchant prétexte ? Cete question de lune était-elle le masque d’un odieux calcul ? Les historiens anciens n’expliquent pas l’énigme, ils la posent sans la résoudre. — Heureusement, avec le refus de Sparte, Phédippide rapportait à Athènes l’oracle d’un dieu. En traversant la forêt du mont Parthénion, Pan lui était apparu, juteux et radieux, sous les étoiles que reflétait sa poitrine. Il l’avait interpellé par son nom, et sa grande voix, où bruissaient les souffles des bois, avait prédit la victoire.