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SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

sanglante. Le carnage fut tel qu’il rompit leurs lances, comme la moisson ébrèche les faux dans un champ trop dru. Alors ils tirèrent leurs glaives et se remirent à tuer en continuant à mourir, avec la rage froide du désespoir accepté. Léonidas tomba dans la mêlée, une lutte furieuse s’engagea autour de son corps. Le cadavre du chef était, dans la bataille antique, ce qu’est le drapeau dans la moderne ; c’était un triomphe de s’en emparer, un opprobre de le laisser prendre. À quatre reprises, la petite troupe, réduite à un groupe, arracha le mort des tourbillons qui fondaient sur lui. Les hommes qui restaient réussirent à le remporter dans le défilé. Là, ils s’assirent sur un monticule, serrés les uns contre les autres, et faisant face de tous les côtés, comme les taureaux d’une hécatombe attendant les haches, qui se rangeraient en cercle, les cornes tendues, autour d’un autel. Le détachement qui avait tourné la montagne s’écroulait sur eux, les masses de l’armée débordaient leurs murs. Transpercés d’en bas par une pluie de flèches, ils étaient écrasés d’en haut par une grêle de pierres. Ce qu’avait de fauve la nature dorienne se hérissa alors dans la phalange acculée. N’ayant plus d’épées, les Spartiates se défendirent avec leurs poignards. Quand ces tronçons d’armes leur manquèrent, ils se servirent de leurs poings d’athlètes. Quand leurs mains furent lasses,