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ESCHYLE.
VII

Cependant le péril était deux fois grand, car les Grecs avaient contre eux, non point seulement le pays forcé, le territoire envahi, deux armées à peine éclaircies par les coupes de vaisseaux et d’hommes que la tempête et les Trois Cents avaient faites dans leur épaisseur, mais encore, chez eux, la lutte des esprits et l’anarchie des conseils. Une guerre civile d’avis contraires ballottait la flotte ralliée sous le commandement du Spartiate Eurybiade, devant Salamine. On entendait craquer ses jointures, elle semblait prête à se disloquer. Les Péloponésiens voulaient la transporter à l’isthme de Corinthe, où leurs troupes étaient rassemblées. Ils alléguaient qu’en cas de défaite, les navires y trouveraient un rivage sûr, et que leurs marins n’auraient qu’à descendre à terre, pour se transformer en soldats et renforcer leur armée. À Salamine, au contraire, nul autre refuge que l’île ouverte, toute évasion fermée par la mer. La retraite sur l’isthme fut votée par le conseil des chefs, malgré Thémistocle. Seul contre tous, il comprit que la patrie grecque tenait à cette claie de vaisseaux unis, et qu’elle serait démembrée par leur dispersion. Le nœud rompu, chacun irait rejoin-