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ESCHYLE.

et tous les cœurs s’affermirent. Une chouette, qui vint s’abattre sur le haut d’un mal, parut à tous la figure ailée de Pallas donnant le signal. La bataille fut acceptée d’un commun élan.

Il se leva ce grand jour, un des plus radieux de l’histoire, vainqueur de « l’année des ténèbres », comme dit la Bible, et qu’on se figure éclairé, non point par le soleil sidéral, mais par le char de feu de Phœbus achevant d’en haut, de ses flèches d’or, l’hydre que ses fils attaquaient en bas, sur les flots. Le Pœan du Dieu, chanté par le grand chœur des trirèmes, entonna l’action. Elles reculèrent d’abord devant l’immense armement ouvert en demi-cercle sur leur frêle escadre, comme une gueule béante aspirant sa proie. Mais un fantôme de femme lumineux et surnaturel, — Athéné, sans doute, — apparut. Elle enjambait les vaisseaux du pas démesuré des déesses courant sur les nues, et sa voix retentissante leur criait : « Ô braves ! jusqu’où ferez-vous reculer vos poupes ! » Tous s’élancèrent alors, et Amynias, le frère d’Eschyle, fendit d’un premier coup d’éperon une galère phénicienne. Les deux navires restèrent accrochés, d’autres, des deux côtés, vinrent à leur secours, et la mêlée s’engagea. La victoire éclata dès le premier choc. En se poussant dans ce détroit resserré, le Léviathan de la Perse était entré dans un entonnoir. Sa cohésion l’étouffait, sa densité le pa-