Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

ralysait, ses proues s’enferraient, ses rames s’enclouaient en s’enchevêtrant. Les vaisseaux se cabraient les uns sur les autres, comme une cavalerie engorgée dans un défilé. L’espace manquait à leurs mouvements ; aucun élan possible et aucun recul. Les navires alertes et légers des Grecs, qui volaient plus qu’ils ne voguaient, fondirent en la cernant sur cette masse immobilisée. Ils la mordaient de leurs becs d’airain, et le glaive achevait ce que le grappin avait entamé. Les Athéniens à gauche, les Éginètes à droite, rompirent les deux ailes de la flotte ennemie. Partout des attaques à bout portant, des abordages fougueux et rapides : deux cents vaisseaux coulés bas, soixante autres capturés, chaque flot roulant un cadavre, presque tous les équipages décapités de leurs chefs. On eût dit une baleine échouée, dépecée par l’agile essaim des oiseaux de mer. Le monstre s’enfuit en lambeaux, jonchant de morts et d’épaves les rives de l’Attique. L’oracle de Bacis fut accompli à la lettre : « Les femmes de Colias feront rôtir avec des rames. » Le soir, cette Armada de l’Asie n’était plus qu’une nuée crevée par la foudre, qui s’écroulait à l’horizon.

Xerxès passant, selon sa nature, de l’extrême présomption à l’extrême frayeur, se précipita dans la fuite. Sa flotte démantelée, qui avait regagné la baie de Phalère, cingla vers l’Hellespont, par son