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ESCHYLE.

que le Parthénon devait couronner, les tribus de l’Hellade changées en Satrapies, comme elles le furent en pachaliks, dix siècles plus tard ; quelle perturbation dans l’avenir de l’humanité, quel changement d’axe et d’orbite dans sa gravitation historique ! Cela ne peut se comparer qu’au refroidissement du soleil. On peut dire que le genre humain serait resté sans éducation, faute du maître universel qui lui a tout enseigné. Le sens de l’ordre et de la mesure lui aurait manqué en toutes choses, le grand Chorège qui a réglé par deux fois sa marche, ayant disparu. La civilisation aurait été jetée dans un autre moule, et aucune des nobles formes que le génie grec lui a imprimées n’aurait pénétré cette épaisse enveloppe. Sans parler de l’histoire détournée de son cours normal, des législations abolies, des cités extirpées, des démocraties naissantes enchaînées, des marches en avant immobilisées, de Rome, cette seconde floraison de la Grèce, étouffée en germe, tout art idéal, toute poésie vivante, toute science progressive auraient disparu du monde obscurci. Comme les neuf jeunes filles que Xerxès, passant le Strymon, fit enterrer vives au carrefour des « Neuf Voies », les Neuf Muses, écrasées par l’oppression barbare, seraient restées ensevelies sous les débris de leur temple.

Le Théâtre, cette grande invention du génie attique, aurait été interrompu dans ses fondements.