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SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

Les deux Masques de la Tragédie et de la Comédie, à peine ébauchés, auraient perdu leurs yeux et leurs voix, pareils à ceux des fontaines taries dont le souffle se retire avec l’eau qu’ils ne versent plus. On peut se figurer Eschyle si profondément oriental de nature et d’âme, plus aryen d’instinct que les Perses mêmes, ajoutant de nouveaux hymnes au Zend-Avesta, au lieu de faire pleurer Électre et blasphémer Prométhée. Sophocle et Euripide, transportés peut-être dans les plaines de Babylone, et si l’esprit poétique avait survécu en eux à la mort de la patrie grecque, auraient suspendu leur lyre aux saules de l’Euphrate, comme les psalmistes de la captivité hébraïque. Le rire d’Aristophane, dénué d’inspiration, privé d’aliments, n’aurait jamais éclaté ; il fallait la vie spirituelle et agitée d’un peuple libre pour le faire jaillir. On ne danse pas sur des ruines, on ne raille pas l’anéantissement.

L’Histoire, créée par la Grèce, et encore à naître, n’aurait apparu peut-être qu’après de longs siècles. Hérodote l’aurait-il ouverte pour y inscrire des défaites et des catastrophes humiliantes, l’obituaire et la servitude de sa race ? Il a écrit la sienne sous le soleil de Salamine, « pour perpétuer la mémoire des grandes actions accomplies dans la guerre des Hellènes contre les Barbares » ; Ἕργα μεγάλα τε καί θω-