Aller au contenu

Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
ESCHYLE.

tête de leur mille quadriges. — « Toute l’Asie, armée de l’épée, marche ainsi, sous le commandement redouté du Roi. » Ce Roi qui leur manque, les vieillards l’exaltent pour raffermir leur espoir, ils se le retracent sous la figure surhumaine des colosses postés aux avenues du palais : — Il est semblable à un dieu, « Fils de la Pluie d’or » : il a « l’œil sanglant du Dragon » ; des chefs inexpugnables lui servent d’appui. Monté sur son char syrien, il pousse devant lui des millions de bras et des milliers de rames. Déjà il a passé au cou de la mer un joug de nefs liées par des cordes et fixées par des clous d’airain. Qui donc résisterait à l’irrésistible ? — Mais ils ont beau louer et beau déifier, leur dithyrambe a peur, et l’hyperbole tremble sur leurs lèvres. Ils se rappellent la Divinité jalouse de la prospérité des mortels, ses pièges dont « aucun bond ne peut dégager l’homme pris aux rets inévitables ». — Anxiété poignante ! Qui l’emportera de la flèche rapide ou de la lance acérée ? — « En attendant, chaque lit pleure, dans Suse, l’époux absent, et les femmes perses se désolent, ayant perdu les héros, compagnons armés de leurs nuits. »

Ce grand chœur est le prélude de la symphonie funèbre qui va suivre ; tous les contrastes s’y heurtent, toutes les alternatives s’y balancent ; son rythme est celui de l’oscillation. Confiance ébranlée