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ESCHYLE.

Fille de Cyrus, veuve de Cambyse, femme de Darius et mère de Xerxès, Atossa, jusqu’au retour de son fils, représentait aux Grecs, dans le drame d’Eschyle, la Perse incarnée. Elle occupait une grande place dans leur ressentiment et dans leur mémoire. C’était elle qui avait envoyé l’armée de Darius lui chercher des servantes en Grèce. Quelle joie orgueilleuse pour Athènes de la voir paraître, déjà soucieuse, bientôt accablée ! Sans Marathon et sans Salamine, son souhait insolent eût été sans doute accompli. Dans ce même palais de Suse, un poète aurait pu montrer les nobles vierges des Panathénées, marchant derrière la vieille reine, en habits d’esclaves, le parasol ou Le chasse-mouches à la main.

Ces Sultanes-Validés de la Perse antique régnaient absolument sur leurs fils. — « Atossa pouvait tout » dit quelque part Hérodote. — Elles les tenaient, non point seulement par le lien filial, mais par l’éducation corruptrice que Platon a signalée dans ses Lois, par les mystères et les traditions du règne précédent, par l’impunité assurée d’avance à leurs crimes. L’exécution d’une épouse ou d’une concubine était et est encore un accident ordinaire dans le régime des harems ; mais on ne touche pas à la mère absoute, quoi qu’elle fasse, de tout châtiment. Cruelles, pour la plupart, atrocement jalouses de toute rivalité intérieure, ces