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LES PERSES D’ESCHYLE.

Ce n’est pas tout : effrayée de ce rêve sinistre, Atossa s’est réfugiée au sanctuaire d’Ormuzd pour y sacrifier, et tandis qu’elle offrait au dieu le gâteau de farine, un aigle s’est abattu sur l’autel. Au même instant, un épervier s’est rué sur lui, et il lui déchirait la tête de ses ongles, et l’aigle se laissait faire, engourdi d’effroi. — Présage redoutable : l’aigle figurait l’emblème et l’âme même de la Perse ; elle s’était personnifiée dans l’oiseau sublime qui seul pouvait fixer le soleil, regarder son Dieu face à face. Atossa se rassure pourtant : après tout, son fils n’est-il pas le maître ? au-dessus des revers comme des triomphes, la fortune ne peut rien sur lui. Elle proclame à sa manière le droit divin du despote indiscutable et irresponsable. — « Certes, sachez-le, mon fils, s’il réussit, sera le plus glorieux des héros ; vaincu, il n’aura nuls comptes à rendre. Et, s’il survit, il régnera comme auparavant sur cette terre. » — Trait profond et savamment aiguisé sous la mère alarmée et qui allait attendrir, Eschyle laisse percer l’arrogance de la royauté asiatique ; il lui fait prononcer des mots odieux aux âmes et aux oreilles libres : la pitié s’éteint à peine excitée.

Quel est-il ce pays que son fils est allé soumettre ? Atossa ne s’en rend pas distinctement compte. Le Sérail est isolé comme le cloître ; la nuit de l’ignorance s’ajoute à l’ombre des treillages pour l’enté-