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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/224

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ESCHYLE.

mense où s’amassaient les richesses ! Cette grande prospérité a péri d’un seul coup, et la fleur du royaume a été tranchée ! Malheur à moi de raconter le premier tant de maux ! Ô Perses ! l’armée entière des Barbares a péri ! » — À cette voix retentissante comme un fracas d’écroulement, le Chœur part d’un cri qui ne va plus s’arrêter. Consterné du choc, il n’interroge même pas d’abord le messager de malheur. Ce n’est que par les indications rapides mêlées à sa nouvelle haletante, qu’il apprend que la défaite est un désastre de mer, et « que les cadavres des siens roulent dans les flots de Salamine, parmi les agrès fracassés. » Alors il maudit Athènes qui « fait tant de femmes perses sans enfants et veuves » ; et la foule, assise sur les gradins du théâtre, devait acclamer cette imprécation ; car il n’est pas pour un peuple de flatterie pareille à l’anathème d’un ennemi vaincu.

Nous avons parlé des silences d’Eschyle et de leur sombre éloquence, ils suivaient ses grands foudroiements. Dans presque tous ses drames, sous l’éclat d’un malheur subit, le personnage frappé se changeait subitement en statue béante, retournée vers une ville en flammes ou des enfants massacrés. Atossa s’est tue jusqu’ici, stupéfiée dans une idée fixe. Au milieu de l’armée détruite, qu’on vient d’étaler sous ses yeux, sa pensée ne cherche qu’un