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LES PERSES D’ESCHYLE.

une substitution invisible, mais qu’un changement d’acteur n’aurait pas rendue plus frappante, le Perse disparaît, ou, pour mieux dire, une transformation intérieure s’accomplit en lui. C’est l’âme joyeuse d’un guerrier grec qui passe dans son être, qui s’en empare et qui le possède, et qui lui fait chanter, sur un ton de fête, ce qu’il devrait balbutier avec des sanglots. Au lieu de l’échappé de la qui se lamentait tout à l’heure, on croit entendre un héraut radieux, lancé par une armée victorieuse, qui tombe, comme du ciel, sur la place publique, et raconte sa délivrance au peuple resté dans la ville, en jetant au pied d’un autel des faisceaux de palmes. Le Chœur des Fidèles pourrait lui dire comme le roi de Moab au Balaam de la Bible — « Que fais-tu donc ? Tu étais venu pour faire des imprécations contre mon ennemi, et voilà que tu le bénis » — Et le Messager pourrait lui répondre comme le prophète Édomite : « Puis-je dire autre chose que ce qu’un dieu me met sur la bouche ? » C’est bien un dieu, en effet, qui lui dicte ce bulletin lyrique, rapide comme la victoire qu’il décrit, clair comme le jour qui l’illumina.

Le Messager dit d’abord la ruse de l’esclave envoyé par Thémistocle à Xerxès, pour lui porter le faux avis de la fuite des Grecs, le roi affermi dans sa présomption, et donnant l’ordre à sa flotte de cerner les passes du