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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/236

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ESCHYLE.

s’est abattue sur l’empire ? » — « Non, l’armée a été détruite près d’Athènes. » — « Lequel de mes fils conduisait l’armée ? » — « L’impétueux Xerxès. » — « Est-ce avec une armée de terre ou de mer qu’il a tenté sa folle entreprise ? » — « Avec les deux : l’armée avait une double face. » — « Et comment l’armée de terre a-t-elle passé la »mer ? » — « Par un grand pont jeté sur le détroit de Hellé. » — « Il a fait cela, il a fermé le grand Bosphore ? — « Un dieu sans doute l’a aidé. » — « Hélas quelque puissant Démon est entré en lui et l’a rendu fou. »

Le grief nous paraît étrange, c’est à peine si nous pouvons le comprendre. Pour Eschyle, le secret du désastre était, en partie, dans ce pont hardi qui avait insolemment enchaîné un bras de la mer. La pure foi grecque, à cette époque, n’admettait pas les usurpations trop violentes de l’homme sur la nature ; elle traçait à ses empiètements des frontières qu’il était impie de franchir. Effleurer la surface de la terre en la cultivant, celle de l’onde en y naviguant ; choses permises, enseignées même par des dieux. Mais défigurer la face vénérable de la Mère commune par des mutilations sacrilèges, déformer les traits de sa géométrie éternelle, rompre l’équilibre des éléments et des choses, faire craquer leur balance en y portant le poids exa-