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LES PERSES D’ESCHYLE.

venant d’une guerre malheureuse, fier envers la fortune adverse, et tenant haute son épée rompue ; c’est un fuyard éploré qui rend en larmes tout le sang qu’il a fait répandre. Il s’accuse sans dignité, il s’humilie sans noblesse. Il fait appel non pas aux armes, mais aux cris du peuple qu’il a perdu. — « Hélas ! Hélas ! Désastre imprévu ! Mes genoux fléchissent devant ces vieillards… Hélas ! Hélas ! mon armée ! Je suis né pour la ruine de ma race. Que ne suis-je mort avec mes guerriers morts !… Jetez des cris discordants, affreux, lamentables ! Un dieu s’est tourné contre moi, il a fauché la sombre mer et le fatal rivage ! » — On croit entendre les gémissements d’une eunuque en faute, criant sous les verges. Qu’est devenu ce formidable monarque que glorifiait le prologue, dont le char traîné par des millions d’hommes, fendait et labourait les nations ? On le voyait, alors, parmi les rayons et les foudres, sur le point culminant du monde : le voici qui remonte meurtri, d’un abîme d’où sortent les râles d’une armée broyée. Le Grand Roi se fait petit maintenant devant ses sujets, il se rend à leur merci, s’offre à leurs reproches ; il les exhorte à lui demander compte des légions qu’il a perdues, des flottes qu’il a submergées. Le Chœur se lève en même temps qu’il s’abaisse ; l’esclave prend au mot le maître qui se déclare responsable :