camp adversaire des clameurs dont la Béotie retentit. Eschyle ne pouvait donc prétendre émouvoir le public d’Athènes par la mise en scène de ces orgies de douleur. Il s’accordait, au contraire, à son dédain pour les rites barbares, en exhibant, comme un Ilote pris de vin, Xerxès ridiculement enivré de ses larmes, et voulant qu’autour de lui toute la Perse en fut ivre.
Xerxès retombe en enfance dans ce dénouement. Ce n’est plus un roi qui partage la désolation de son peuple, c’est le chef d’orchestre d’un Myriologue théâtral, qui bat la mesure de ses gémissements. — « Hélas ! Hélas ! » — s’écriaient les Vieillards. — « Plus qu’Hélas ! » reprend-il, « gémis plus encore ! » — « Hélas ! Hélas ! cette défaite ! » — « Crie réponds à mes cris ! » — Le crescendo ne lui semble pas assez fort, il l’excite et il l’exaspère ; il fouette ce torrent de larmes, comme il flagellait l’Hellespont, pour le faire écumer et gronder plus haut : — « Frappe, frappe-toi ! Gémis sur mes maux ! » — « Je pleure lamentablement. » — « Crie ! Réponds à mes cris ! » — « Je le fais, ô maître » — « Pousse de hautes lamentations » — « Hélas ! Hélas ! je multiplie les coups sur mon sein ! » — Comme un Chorège désigne à ses chanteurs l’air sur lequel ils doivent moduler leurs strophes, il indique à ses pleureurs la mélopée qu’il leur faut mettre en sanglots. —