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LES PERSES D’ESCHYLE.

« Frappe ta poitrine » crie l’hymne Mysien ! — « Douleur ! douleur ! »

Ce n’est pas tout, Xerxès règle leur pantomime il prescrit les gestes, et il scande les convulsions, il commande les échevellements et les meurtrissures. Et tout s’exécute en cadence, comme au battement de mains d’un maître de cérémonies funéraires.

« Arrache les poils blancs de ta barbe ! » — « À pleine main ! à pleine main ! lamentablement ! » — « Déchire avec tes ongles les plis de tes vêtements ! » — « Douleur ! douleur ! » — « Arrache tes cheveux pleure sur l’armée » — « De toutes mes forces ! très lamentablement ! » — « Les hauts cris ! jette les hauts cris  » — « Oui, les hauts cris. » — « Baigne tes yeux de larmes ! » — « Mes yeux ruissellent. » — « Lamentez-vous en marchant lentement ! » — « Hélas ! Hélas ! malheureuse Perse ! »

Dans la traduction, la scène paraît ce qu’elle est réellement d’abord, un exercice d’automates montés au délire, le mécanisme réglementé de l’épilepsie. Mais le texte la montre ensuite terriblement vivante et sincère, avec ses batteries de mots frénétiques, sans autre sens que leur son, ses consonnances haletantes, ses trilles de sanglots, ses onomatopées qui font rugir la douleur. On sent que le vertige gagne par degrés les Vieillards, que l’entraînement les emporte, et que si quelque fournaise expiatoire flamboyait devant le palais, ils s’y jetteraient, sur l’ordre de leur roi, aussi docilement qu’ils s’arrachent