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ESCHYLE.

enfance rebutée — « Celles, elle peut tout sur moi, la Déesse vénérable qui est entrée ici. C’est elle qui me sauva quand je fus précipité d’en haut par ma mère qui voulait me cacher aux Dieux, parce que je boitais des deux pieds. J’aurais enduré alors des maux infinis, si Thétis et Eurynome ne m’avaient reçu dans leur sein. Pour elles, dans leur grotte profonde, pendant neuf ans, je forgeai mille ornements ; des agrafes, des anneaux, des colliers, des pendants d’oreilles. Et l’immense Océan murmurait autour de la grotte… Maintenant, puisque Thétis aux beaux cheveux vient dans ma demeure, je lui rendrai grâce de m’avoir sauvé. » — Et tandis que Charis offre à Thétis « les mets hospitaliers », le grand ouvrier se redresse de l’enclume sur ses jambes torses. Il éteint ses brasiers, enferme ses outils dans un coffre d’argent ; puis il essuie avec une éponge ses bras noirs de limaille, sa face et sa poitrine enfumées. Il se revêt d’une tunique blanche, prend le sceptre lourd comme un marteau, qui sied à sa royauté métallique, et s’avance vers la déesse, appuyé sur deux belles filles d’or qu’il a fabriquées. « Semblables a des vierges vivantes », elles marchent à ses côtés en cadence, et soutiennent sa marche inégale. On dirait une transformation d’Enchanteur, sordide et rabougri tant qu’il vaque aux œuvres de ses alambics, somptueux et majestueux