Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
ESCHYLE.

pleine de Tritons et de Néréides, les mille branches éparses de l’eau nourricière se couronnaient, comme d’autant defleurs, d’une myriade de divinités. Les Potamides suivaient à la dérive le courant des fleuves, les Limniades dormaient au fond de la coupe azurée des lacs, les Pégées et les Naïades filtraient, par une cruche rustique, le filet des sources. Chaque ruisseau engendrait sa nymphe, diminutif d’Aphrodite. Les poètes, quand ils vendaient célébrer la beauté d’un fleuve, lui décernaient l’épithète de Calliparhienos, « aux belles vierges » L’image que leur suggérait le mouvement circulaire que prennent ses flots aux points des courants, était celle d’une ronde de jeunes filles tournant en cadence. Nulle part le génie grec n’a déployé un sens plus exquis des analogies naturelles que dans la création de ce cycle ondoyant de divinités. Avec quelle transparente harmonie ces nymphes rieuses et dansantes répètent les bruits et simulent les tournoiements des eaux vives ! Les laines vertes ou purpurines qu’elles filent entre les rochers, peignent jusqu’aux nuances de lumière et d’ombre qui colorent la surface des ondes. L’amitié et la compassion que les poètes leur prêtent pour les hommes, expriment les vertus des sources thermales et les bienfaits que les sources versent aux campagnes. Les pièges même et les périls de l’élément humide sont figurés par ces légendes où